Le yoga et la naturopathie pour libérer son souffle de vie
Pratiquant et accompagnant des personnes dans ces deux disciplines, il m’apparaît clairement des similitudes de points de vue entre elles et la possibilité d’un enrichissement réciproque à associer les deux. Leur finalité est bien entendu différente : La naturopathie affiche son intention de maintenir ou retrouver un état de santé globale, le yoga est beaucoup plus vaste et propose une voie de transformation vers la clarté, la liberté. Sur ce chemin, un certain nombre de préceptes et de pratiques vont toucher notre état de santé.
C’est sur le texte traditionnel du yoga « YOGA SUTRA de PATANJALI » que je vais m’appuyer pour dégager ces similitudes et voir en quoi cela touche notre « souffle de vie ».
La notion de SAUCA
Située dans le 2ème chapitre (sutra 32), cette notion fait partie des NI YAMA : ce qui régule la relation à soi. Il vient de la racine sanskrite SUC qui signifie faire briller, entretenir, prendre soin et est traduit par propreté, pureté, respect, considération (que l’on a pour son corps dans toutes ses dimensions). Concrètement, cela passe par le respect des besoins fondamentaux (repos, mouvement, nourriture, relation…) et ce n’est sûrement pas au service d’un corps qui serait idéalisé, adulé, (comme un mannequin) ; en fait, cette action n’est pas une fin en soi…
C’est par les résultats (les fruits) qui sont obtenus (sutras II40 et 41) que l’on peut mieux comprendre ce sutra :
* SAUCA apporte une distanciation par rapport au corps de chair. Il donne une conscience des 2 natures qui nous constituent :
– le principe de conscience CIT (encore nommé « habitant de la cité » ou « le témoin, cela qui voit », ou bien « source de vie ou de lumière »). Cette partie de nous est éternelle et permanente.
– Le corps « matière » qui appartient à la PRAKRITI (le monde manifesté) et donc change constamment, se dégrade, est limité dans le temps et demande des soins appropriés.Ainsi, le corps est un habitacle, un temple pour quelque chose de plus intérieur, de plus profond, d’une autre nature et il est question de prendre soin de cet habitacle au service de son « hôte ». Il est comme une maison dans laquelle il y a un joyau à découvrir. Si la maison est très encombrée, en désordre, il sera plus difficile d’accéder au joyau.
* SAUCA apporte aussi des qualités au corps mental (MANAS) qui fait également partie de « la matière, la substance »: celui-ci devient clair, lumineux, heureux, orienté, stable (ne se laissant pas disperser par les organes sensoriels) et permet de laisser affleurer ce qui est profond, essentiel, permanent, ce qui est source de Vie.
La pratique des postures et le travail avec le souffle permettent d’aller vers cette qualité de pureté. Le souffle est souvent décrit comme le vecteur, le reflet, le messager de PURUSA. Il vient se réalimenter à la source et fait circuler la Vie en nous.
Le kriyâ yoga ou yoga de l’action purificatrice est la 1ère proposition du 2ème chapitre (sutra 1). C’est un travail préparatoire, une étape préliminaire pour s’engager dans le voyage qui conduit le mental instable, agité vers la stabilité et la clarté. Il est constitué de 3 facettes indissociables : TAPAS, SVADHYAYA , ISVARAPRANIDHANA qui font partie également des NI YAMA, relation à soi.
TAPAS vient de la racine sanskrite TAP qui signifie chauffer, produire de la chaleur. C’est un processus de purification, d’élimination des impuretés qui concerne les corps physique, sensoriel, mental, émotionnel étroitement imbriqués. Il représente l’effort, la discipline, l’ascèse que l’on met en place, le « sérieux » avec lequel on considère ce support (le yoga) que l’on a choisi. TAPAS s’applique à la pratique des postures (ASANA) et des respirations (PRANAYAMA) : c’est parfois l’effort physique dans la posture, mais c’est aussi l’effort de présence, de vigilance, l’effort pour aller dans des sensations subtiles. TAPAS s’applique également à tous les aspects de la vie quotidienne qui sont concernés par ce processus d’élimination et de purification : la façon de s’alimenter, l’hygiène de vie. La pratique du yoga ne va pas sans une alimentation saine et appropriée, respectant les besoins et la constitution de la personne. Cette ascèse ne doit en aucun cas conduire à des pratiques excessives risquant d’affaiblir ou blesser le corps.
SVADHYAYA est traduit par réflexion sur soi, connaissance de soi, aller « proche de soi ». C’est l’observation de ses réactions et comportements, la compréhension qui en résulte et permet d’ajuster son action et de faire des choix plus libres. Cela représente dans la tradition du yoga, l’étude de textes sacrés qui trouvent des échos en nous mais aussi, à l’heure actuelle, toutes formes de « miroirs » qui peuvent nous éclairer : professeur, thérapeute par exemple. Cela donne lucidité sur soi, discernement, connaissance de sa mission propre « svadharma ».
ISVARA PRANIDHANA ou « se laisser porter par ce qui est plus grand que nous ». C’est une démarche de confiance, d’abandon. C’est accepter ce qui nous dépasse, accepter de ne pas être maîtres de tout et en particulier des résultats de nos actions.
En résumé : L’action juste (SVADHYAYA) , conduite avec ardeur et sérieux (TAPAS) et basée sur la confiance et l’acceptation des résultats quels qu’ils soient (ISVARA PRANIDHANA).
Voyons maintenant en quoi cela concerne la naturopathie :
Avant d’être une méthode de soin, celle-ci est un art de vie basé sur le respect, la considération que l’on a pour son corps dans sa globalité (physique, énergétique, mental et psychique). Cela implique une action quotidienne, persévérante dans un état d’esprit positif, heureux. Ce n’est pas une action de mortification, c’est tout le soin, la tendresse, l’écoute des besoins fondamentaux que l’on peut apporter à son corps. En cela nous sommes très proches de SAUCA, sans afficher une dimension spirituelle aussi claire qu’en yoga.
La naturopathie utilise des techniques qui s’adressent directement à la force vitale, l’énergie de vie que nous appelons Souffle ou PRANA en yoga. Ces techniques visent à stimuler cette énergie vitale qui, lorsqu’elle peut suffisamment s’exprimer est considérée comme « auto guérisseuse » et capable de ramener à l’équilibre et réparer intelligemment les accrocs, (ceci en restant évidemment dans le domaine de la naturopathie qui ne peut pas prendre en charge à elle seule un état pathologique avec des lésions installées).
Pour relancer la force vitale, les techniques les plus simples et évidentes sont une alimentation et une hygiène de vie appropriées à sa constitution, à son terrain, tenant compte des évolutions favorables ou défavorables. Il s’agit donc de faire place à cette force vitale, de lui donner de l’espace et pour cela il faut « vider les poubelles », arrêter les processus d’encombrement. Mon propos n’est pas de détailler tout ce qui peut être mis en place en naturopathie (il y en a pour un ouvrage entier !) mais plutôt de voir que cette approche peut tout à fait être reliée au point de vue du kriya yoga et de ses 3 facettes indissociables :
– TAPAS car nous sommes bien là dans l’action de purification, d’élimination des impuretés.
Cela demande effort, discipline, persévérance et engagement. Il est nécessaire de « prendre au sérieux » les indications de la personne (naturopathe, conseiller en hygiène de vie…) en qui on a mis sa confiance. Mais cette action TAPAS ne doit pas conduire à une obsession de purification. Cela existe dans certaines pratiques de naturopathie outrancières (jeûne excessif, régimes inappropriés, drainage intensif) ou certaines pratiques sportives ou entraînement intensif, sans conscience corporelle globale. Et c’est là où intervient le 2ème volet du kriya yoga.– SVADHYAYA, la connaissance de soi, l’observation subtile de ce qui fait du bien (et pas seulement ce qui satisfait la pulsion du moment). Cette connaissance permet aussi de se responsabiliser, voir les liens entre certaines erreurs alimentaires ou de modes de vie et les troubles que l’on peut avoir, et peut être trouver un sens aux événements qui arrivent.
– Et le 3ème volet ISVARA PRANIDHANA est vraiment indispensable dans cette démarche de naturopathie. Car c’est une action qui s’inscrit dans la durée et demande de la patience (par exemple pour attendre les résultats d’une action engagée…) et beaucoup de confiance. Elle nécessite d’accepter d’être comme on est (par exemple d’avoir le foie ou la peau fragile ou un tempérament vulnérable aux émotions…), ce qui permet de se conduire en conséquence. Il faut aussi accepter de ne pas être maître des résultats, de trouver un résultat différent de celui que l’on attendait. Cela demande de l’humilité aussi pour le thérapeute et beaucoup d’honnêteté.
En résumé, c’est une démarche qui nécessite engagement, discernement et confiance.
D’autres fenêtres pourraient certainement être ouvertes sur les correspondances entre yoga et naturopathie, par exemple en ce qui concerne la maladie (VIADHI), mais mon but n’est pas de les explorer toutes. Je voudrais simplement terminer en soulignant le point commun fondamental entre yoga et naturopathie : tous deux s’adressent directement à la Force Vitale, au flux de Vie qui circule en nous , tous deux nous rendent vivants et contribuent à cet état de santé globale concernant toutes les dimensions de l’être .
Article d’Odette Bissardon, publié dans la revue « Trait d’Union » de novembre 2012. Cette revue est le journal semestriel de l’association IFYLCE à laquelle plusieurs professeurs de la salle sont rattachés.